Arrivé en France en 1982 et en Belgique deux années plus tard, le varroa cause encore – plusieurs dizaines d’années après son introduction – des soucis aux abeilles et aux apiculteurs. Annuellement, il est responsable de la perte de milliers de colonies. Les apiculteurs qui ont connu l’époque antérieure à l’introduction du varroa, vous dirons que l’apiculture n’a plus jamais été la même. Il est donc nécessaire – pour qui souhaite pratiquer l’apiculture – de bien comprendre la biologie du varroa et ses effets sur les abeilles. Ainsi, il sera possible de mettre en place une stratégie de lutte pour limiter l’infestation.
Qu’est ce que le varroa ?
Le varroa est un acarien originaire d’Asie orientale. Dans cette partie du monde, il est le parasite d’une espèce d’abeille que les scientifiques nomment Apis cerana. Dans des conditions normales – c’est-à-dire si la colonie est en bonne santé – le varroa ne présente pas de danger pour l’abeille asiatique. Les abeilles asiatiques sont en effet capables de le combattre, si bien qu’elles ne sont jamais victimes de cet acarien.
Le varroa a fini par infester des colonies d’abeilles mellifères (Apis mellifera). Et les conséquences ont été toutes autres. Notre abeille européenne n’est pas capable de maîtriser la population de cet acarien et bien souvent les colonies d’abeilles mellifères périclitent, puis disparaissent.
Face à une telle hécatombe, cet acarien a été nommé par les scientifiques Varroa destructor. Malheureusement son aire de répartition ne cesse d’augmenter et il est présent sur la plupart des régions du globe, sauf dans quelques zones d’Afrique centrale et en Australie.
Quels sont les dangers pour les abeilles ?
Le varroa se nourrit du tissu adipeux de l’abeille, le corps gras. Il va l’atteindre en perçant sa cuticule et en injectant une salive contenant des enzymes de digestion. Le corps gras est un tissu vivant très important pour les abeilles. Ces cellules permettent de combattre les infections, puisqu’elles produisent des molécules antimicrobiennes. Le corps gras est aussi impliqué dans la détoxification de l’organisme en permettant l’élimination des molécules insecticides. Enfin, il est une réserve de lipides et de protéines qui jouent un rôle important pour l’élevage des larves, car ils sont nécessaires à la production de la gelée royale.
Ainsi une abeille dont le corps gras sera endommagé par la ponction d’un varroa sera :
- Plus fragile vis-à-vis des agents pathogènes
- Moins résistante aux insecticides
- Moins efficace pour nourrir les larves
Notons que le varroa est aussi le vecteur de virus dangereux pour les abeilles, comme le DWV, le virus des ailes déformées. Ce virus affaiblit et handicape les abeilles qui sont alors incapables de voler. Il aggrave la maladie due à l’infestation, la varroose (parfait nommée varroase ou varroatose).
Globalement, une abeille parasitée par Varroa destructor aura une espérance de vie réduite. Elle sera donc moins performante pour butiner et rapporter à la ruche le nectar et le pollen. Ceci signifie une diminution importante des rendements pour l’apiculteur professionnel. Mais aussi pour l’ensemble des abeilles et du couvain, un risque de malnutrition.
Comment détecter les acariens ?
Le varroa est un acarien dont la taille est comprise entre un et deux millimètres de large. Il peut être détecté à l’œil nu, si l’on est familier avec son apparence.
L’une des premières idées à venir à l’apiculteur débutant est d’ouvrir ses ruches et de rechercher sur les cadres des abeilles qui portent un ou plusieurs acariens sur le dos ou l’abdomen. Cette inspection directe est inutile, car plus de 99 % des varroas présents sur les abeilles sont bien dissimulés. Ils sont fixés sur la face ventrale de l’insecte et souvent insérés entre deux anneaux de l’abdomen. Il faut donc employer d’autres méthodes pour détecter les varroas et estimer le nombre d’individus présents dans une ruche.
Ce comptage des varroas permet d’évaluer le niveau d’infestation. En dessous d’un seuil critique, il n’est pas obligatoire de traiter. Par contre, dès lors que le nombre des varroas a dépassé les 2000 acariens par colonie, il faut agir sans tarder.
En fonction de la période de l’année, le nombre des acariens ne va pas refléter la même population de varroas. Car au mois de juin, 60 % d’entre eux sont présents dans les alvéoles des larves qu’ils parasitent. Par contre au mois de Décembre et en absence de couvain, les varroas se trouvent tous sur les abeilles. Il faut donc passer par des tables de conversion pour savoir au-dessus de quel seuil il faut traiter.
Comptage des chutes naturelles
Les varroas chutent lorsqu’ils sont décrochés des abeilles ou qu’ils meurent. Il est donc possible de compter le nombre de varroas qui tombent au fond de la ruche et de déterminer par extrapolation la population des varroas présents dans une colonie d’abeilles. Ce comptage se fait en plaçant des langes enduits de graisse. Les acariens sont comptés après 3 à 7 jours de présence du lange au fond de la ruche. Après un délai suffisant, on relève les langes et on fait le comptage des varroas. On peut alors faire une moyenne du nombre de varroas tombés par jour.
Comptage des varroas phorétiques
Les varroas phorétiques peuvent être comptés en les décrochant au moyen de divers artifices. On part souvent d’un échantillon de plus d’une centaine d’abeilles que l’on prélève sur l’un des rayons du nid. Cette opération demande l’ouverture de la ruche, contrairement au comptage des chutes naturelles. C’est une opération stressante pour les abeilles, mais aussi pour les apiculteurs débutants. Cet échantillon d’abeilles va subir un traitement pour en extraire les acariens.
On peut mélanger les abeilles avec du sucre glace, puis les secouer au dessus d’un tamis. Les varroas se retrouvent alors dans le sucre glace que l’on pourra mélanger à de l’eau. Le comptage est alors facilité. On peut aussi exposer ces abeilles à du gaz carbonique. Une fois endormies, elles sont secouées et les varroas chutent au fond du récipient utilisé. Le gaz carbonique correctement employé et la méthode au sucre glace ne tuent pas les abeilles qui peuvent réintégrer leur colonie après quelques minutes de manipulation.
Par contre la méthode du comptage par l’alcool va tuer les abeilles. Même si elle apporte une bonne précision, elle n’est pas indiquée en apiculture de loisir. Le comptage des varroas ne justifie pas de sacrifier des centaines d’abeilles.
Comptage des varroas du couvain
Cette technique consiste à désoperculer quelques centaines d’alvéoles qui contiennent des larves et des nymphes. Puis à réaliser le comptage des varroas. Comme le traitement à l’alcool, il va conduire à perdre de nombreux insectes utiles à la colonie.
Le comptage des varroas du couvain est plus compliqué à mettre en œuvre et à interpréter pour un apiculteur amateur. Il est utilisé en laboratoire, mais plus rarement par les apiculteurs. Car s’il n’est pas précisément mené, il ne donne pas des résultats suffisamment précis.
Peut-on éradiquer définitivement le varroa ?
Il est illusoire de chercher à éradiquer le varroa dans son rucher. Et encore davantage d’espérer l’éradiquer d’Europe. En effet, les traitements ne pourront pas tuer tous les acariens d’une ruche. De plus, un nid d’abeilles n’est pas un système fermé de l’environnement extérieur.
Des abeilles peuvent toujours introduire des varroas en provenance d’autres colonies, parfois distantes de plusieurs kilomètres. Les phénomènes de dérive des abeilles qui se trompent de ruche, mais aussi les actions de pillage entre les colonies permettent les échanges d’acariens et d’autres agents pathogènes.
Des chercheurs ont estimé que chaque année une ruche recevait de l’extérieur entre 400 et 2000 varroas. Ce nombre est d’autant plus élevé que la quantité des ruches présentes aux alentours est importante. Profitons en pour préciser que les ruchers mal entretenus contribuent à diffuser largement les varroas dans l’environnement. Et les colonies d’abeilles sauvages sont alors fortement impactées.
Quelles sont les méthodes pour lutter contre le varroa ?
De nos jours, les colonies qui ne sont pas traitées contre le varroa risquent de disparaître après quelques mois ou quelques années. Bien qu’il existe des exceptions – comme sur l’île de Groix par exemple – où des ruchers ne reçoivent jamais de traitement, il est indiqué de procéder à une action, lorsque le seuil de tolérance est atteint ou dépassé.
Ces traitements permettent de soulager des colonies qui font déjà face à de multiples stress environnementaux : pollution et insecticides, modification des paysages et appauvrissement floristique, invasion du frelon asiatique,… Car c’est cette addition des agressions qui menace les abeilles en France et dans le reste du monde.
Les traitements chimiques
L’emploi de molécules acaricides permet de réduire la pression des varroas. Plusieurs molécules ont été utilisées pour mettre au point des médicaments vétérinaires efficaces. Amitraze, Thymol, Tau-fluvalinate et Fluméthrine ont donné de bons résultats, pendant plusieurs années. Mais progressivement des phénomènes de résistance sont apparus localement, puis se sont généralisés.
Actuellement, pour ne pas réduire anéantir l’efficacité de cet arsenal chimique, les apiculteurs alternent les traitements. En France, l’alternance des traitements à base d’Amitraze et des traitements à base de Tau-fluvalinate est conseillée par la plupart des groupements de défense sanitaire apicole (les GDSA). Il est opportun de prendre conseil auprès d’un technicien apicole ou d’un vétérinaire spécialisé, avant de faire un choix pour un médicament ou un autre. Vous pouvez vous procurer ces médicaments chez un vétérinaire ou en pharmacie, sans ordonnance.
A côté de ces molécules de synthèses, les apiculteurs emploient des préparations qui contiennent des acides organiques. Ces composés que l’on retrouve à l’état naturel dans la ruche et le miel sont l’acide formique et l’acide oxalique. S’ils sont aussi présents chez les plantes, ces acides organiques n’en sont pas moins dangereux lorsqu’ils sont utilisés sous des formes concentrées. Tout comme les composés de synthèse, les acides organiques demandent d’observer des précautions à l’utilisation. Il faut porter des gants et des lunettes de protection. Il faut aussi suivre la posologie.
Rappelons qu’en France, seuls les médicaments faisant l’objet d’une autorisation de mise sur le marché (une AMM) sont autorisés. Les contrevenants s’exposent à des sanctions. Et notamment à la destruction de leur cheptel et du miel produit.
Ces traitements chimiques sont appliqués par une exposition prolongée ou par une exposition brève, dite flash.
Traitements par exposition prolongée
L’exposition prolongée dure plusieurs semaines. Le principe actif est diffusé par une bandelette ou une éponge imbibée. Les abeilles s’y exposent en passant sur les bandelettes. Celles-ci doivent être placées au cœur de la colonie, entre deux cadres de couvain.
Il faut bien respecter le temps de contact. En cas de dépassement de cette durée de traitement, on favorise la sélection de lignées de varroas résistants. L’exposition prolongée se fait souvent dès le retrait des hausses par l’apiculteur. Le miel destiné à l’usage alimentaire ne doit pas être contaminé par ces substances.
Traitements flashs
L’exposition brève est souvent le mode d’application des acides organiques. Elle vise à tuer les varroas qui sont accrochés aux abeilles adultes, les varroas phorétiques. Mais elle ne permet pas de tuer les acariens qui sont présents dans les alvéoles. Il est donc nécessaire de renouveler les applications – en suivant les indications du laboratoire fabricant – ou bien d’attendre ou de provoquer une période sans présence de couvain.
Les traitements flashs sont appliqués par dégouttement ou par sublimation. Le dégouttement consiste à exposer les abeilles avec un produit que l’on verse goutte à goutte sur elles. Ce produit contient le ou les principes actifs ainsi que du sucre. Les abeilles vont ainsi absorber le liquide.
Pour être certain de traiter le maximum d’abeilles, il faut que le plus grand nombre d’entre elles soit présent dans la ruche. Le dégouttement est souvent réalisé au mois de décembre, lorsque les abeilles sont à l’abri de leur nid et qu’elles se sont regroupées pour former une grappe.
L’acide oxalique peut aussi être diffusé par sublimation. Il s’agit de chauffer l’acide au moyen d’un appareil adapté et d’exposer les abeilles à ces vapeurs. Si les abeilles semblent résister à ce procédé, il faut rappeler qu’il n’est pas sans danger pour l’apiculteur. L’inhalation de vapeurs d’acide oxalique provoque des brûlures irréversibles. Il faut donc porter en plus de gants et des lunettes de protection, un masque adapté et correctement ajusté.
Le dégouttement est mieux adapté aux apiculteurs amateurs et à ceux qui n’ont pas reçu une formation adaptée.
La lutte zootechnique
La lutte contre de varroa peut être rendue encore plus efficace, si l’on met en place la lutte zootechnique. Celle-ci consiste à provoquer ou utiliser des phénomènes naturels de l’abeille pour freiner la dynamique de reproduction des varroas. Elle vient s’ajouter aux traitements chimiques pour maintenir le nombre des acariens au plus bas.
Castration du couvain mâle
Les femelles de varroa ont une préférence pour les alvéoles où se développent les larves de faux-bourdon. En effet, le stade de la nymphose chez les mâles dure deux jours de plus que pour les ouvrières. C’est suffisant pour qu’une ou deux jeunes femelles supplémentaires quittent l’alvéole à la fin du cycle.
Lorsque l’on utilise des cadres à mâles, il est possible de forcer les abeilles à construire à un endroit de la colonie les alvéoles qui recevront les faux-bourdons. Les varroas seront nombreux à migrer vers ce couvain. Il faudra attendre que toutes les alvéoles soient operculées pour les retirer. Ceci permet d’exporter une grande quantité de varroas. Cette castration se fera au printemps et en été à deux ou trois reprises consécutives.
Encagement de la reine
Les varroas dépendent de la ponte de la reine pour se reproduire. Car s’il n’y pas d’œuf, il n’y a pas de couvain à parasiter. Et sans couvain, les varroas ne peuvent pas se reproduire. Il est possible de stopper cette ponte en plaçant la reine dans une cagette en plastique pendant 24 jours.
Après ce délai de 24 jours, toutes les alvéoles qui contenaient du couvain ont libéré des abeilles adultes. Les varroas sont alors tous à découvert et l’apiculteur pourra réaliser un traitement flash. L’encagement permet d’optimiser l’efficacité des traitements à base d’acide organique.
Le traitement thermique
Il s’agit d’un traitement intéressant car il n’utilise aucun produit chimique. Il profite de la sensibilité naturelle du varroa aux fortes chaleurs. L’acarien est en effet plus sensible que l’abeille a de hautes températures. Exposé à 42 °C, il meurt après quelques heures, alors que les abeilles peuvent supporter quelques degrés de plus sans problème. Ce traitement demande un matériel encore onéreux, mais aussi une bonne maîtrise du procédé par l’apiculteur.
Certaines méthodes demandent le transfert des cadres de couvain – débarrassés de leurs abeilles – dans une étuve chauffante. D’autres méthodes permettent de placer toute la ruche dans un conteneur chauffant.
Pour en savoir davantage sur ce parasite
Cet article présente les grandes lignes au sujet du varroa et des traitements adaptés. Mais vous devez poursuivre votre apprentissage avant de tenter une action sur vos ruches.
Ressources en ligne
Si vous souhaitez en apprendre davantage sur la biologie du varroa, sur les méthodes de comptages et de lutte contre l’infestation, nous vous conseillons de consulter le site www.varroa-destructor.fr
Notre article sur les dangers qui menacent notre abeille mellifère (https://siav2a.com/abeilles-en-danger) peut aussi vous intéresser.
Formez-vous à l’apiculture
Devenir apiculteur ne peut pas… ne peut plus être improvisé. Il est nécessaire de se former avant d’acquérir ses premières colonies d’abeilles. Quelques jours sont nécessaires pour débuter l’apiculture de loisir. Plusieurs mois devront être consacrés à l’apprentissage du monde des abeilles pour en faire son métier.
Heureusement vous trouverez en France de nombreux centres de formation – comme les ruchers écoles – pour acquérir les connaissances fondamentales sur la conduite d’un rucher de loisir. Si vous souhaitez devenir apiculteur professionnel, vous pouvez aussi intégrer un CFPPA et préparer un Brevet Professionnel ou un Certificat de Spécialisation en Apiculture.
Nous espérons que la lecture de cet article vous aura apporté des éléments nouveaux et nous vous souhaitons une bonne continuation dans vos projets apicoles et environnementaux.
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